Psychologue clinicienne
consultation en cabinet ou en téléconsultation
Le bal des folles de Victoria Mas
« Entrez dans la danse, voyez comme on danse… »
J’ai été séduite par le titre « le bal des folles » et la couverture du livre, une femme pris dans les voiles bleus de sa danse. En tant que psychologue, je connaissais le travail sur l’hystérie de Charcot mais je ne savais pas que sous sa gouverne, chaque année de 1870 à 1890, à l’hôpital de la Salpêtrière avait lieu le bal des folles. Les malades pouvaient se déguiser et faire une grande fête où le tout Paris mondain était convié !
Charcot, neurologue, fut mondialement connu et reconnu grâce à ses travaux sur l’hystérie. Il utilise alors deux techniques modernes : la photo pour observer et fixer les symptômes de l’hystérie et l’hypnose pour les reproduire expérimentalement. Ces séances forcément spectaculaires vont attirer un grand nombre d’hommes et quelques femmes. Ils assistaient alors à des scènes où le corps des femmes hystériques se tordaient, convulsaient, se contractaient jusqu’à l’extase. On peut supposer que le public était plus attiré par l’exhibition de corps sous contrôle du maître que pour l’expérimentation médicale. A l’époque, cette méthode fut critiquée par certains psychiatres qui pensaient que ces femmes sous influence mimaient de telles scènes. Ce qui fut en partie le cas. Si la méthode de Charcot sur l’hystérie fut discutable, il reste le neurologue qui a décrit les symptômes de la maladie de Charcot. Freud, qui fut son élève, privilégia la cure par la parole. Aujourd’hui le DSM ne reconnaît plus cette névrose mais juste le trouble de personnalité histrionique.
Pour autant, ce livre n’est pas un essai sur l’hystérie ni sur les maladies nerveuses mais un véritable roman qui met à nu la condition féminine de cette fin de siècle à travers le cas de ces femmes aliénées. Victoria Mas retrace le parcours heurté, fracassé de plusieurs personnages : Thérèse, une vieille prostituée, la petite Louise, une enfant violée par son oncle, Eugénie Cléry qui entre en contact avec l'âme des disparus et Geneviève, l’infirmière intendante… Elles sont meurtries par le pouvoir d’une société dominée par les hommes. Mais je vous laisse lire la suite où vous découvrirez les interactions entre elles et les bouleversements qui en découlent.
Voici un extrait qui relate le moment où la tante de Louise surprend son mari en train de violer l’adolescente. Malheureusement sa réaction reste toujours d’actualité… A quand plus d’humanité et de solidarité ?
« — Non ! Mon oncle, non !
Elle se releva, il la gifla, elle retomba sur le lit. Il s’allongea sur elle pour l’empêcher de bouger, arracha le tissu de sa robe, écarta ses cuisses nues et déboutonna son pantalon.
Il se forçait encore en elle, et Louise hurlait encore, quand la tante rentra et découvrit la scène. Louise tendit la main vers elle.
— Ma tante ! À l’aide, ma tante !
L’oncle se retira aussitôt, alors que sa femme se précipitait sur lui :
— Ordure ! Monstre ! Va-t’en, je ne veux pas de toi ce soir !
L’homme remonta à la hâte son pantalon, enfila une chemise et prit la porte. Soulagée par cette délivrance, Louise ne remarqua pas les draps et sa vulve tachés d’un sang rouge vif. Sa tante se jeta sur elle à son tour et lui administra une gifle.
— Et toi, petite traînée ! À force de l’aguicher, voilà ce qu’il arrive ! Regarde ça, tu as sali mes draps en plus. Rhabille-toi et va me les laver sur-le-champ !
Louise l’avait regardée sans comprendre ; il lui avait fallu une deuxième gifle pour qu’elle se rhabille et s’exécute. »
Ce premier roman a remporté le prix Stanislas et le prix Première plume 2019.
Réalisation & référencement
